Mise en cause par une partie de la classe politique pour ne pas avoir anticipé le périple meurtrier de Mohamed Merah à Toulouse et Montauban, la direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) s’est défendue vendredi. Le préfet Bernard Squarcini dirige la DCRI, issue de la fusion de la Direction de la surveillance du territoire (DST) et des Renseignements généraux (RG) en 2008, une volonté de Nicolas Sarkozy.

L’affaire Merah est-elle, à vos yeux, un succès ou un échec ?

Bernard Squarcini. Un drame de cette ampleur ne peut pas conduire à répondre à votre question en ces termes. La France comme beaucoup d’autres pays avant elle vient d’être frappée par le terrorisme islamiste. Mais les conditions dans lesquelles les suspects ont été identifiés doivent être considérées comme un succès, d’ailleurs salué par les services étrangers avec lesquels nous sommes en contact.

Après son retour d’Afghanistan et connaissant le profil de son entourage, Mohamed Merah n’aurait-il pas dû faire l’objet d’une surveillance renforcée ?

Il a effectivement fait l’objet d’une surveillance renforcée à son retour d’Afghanistan au printemps 2011, son comportement, la nature de ses relations et les informations recueillies n’ont pas mis en évidence de radicalisation de son comportement, ni la volonté de s’engager pour faire le jihad. Il a néanmoins fait l’objet d’une convocation par la Direction centrale du renseignement intérieur pour notamment recueillir ses explications sur la nature de ses voyages.

Une fois établi le lien entre le meurtre du militaire à Toulouse et la tuerie de Montauban n’aurait-on pas pu l’identifier plus tôt ?

Non. Le caractère terroriste n’est pas apparu dans les meurtres de militaires de Toulouse et Montauban. Pour autant, dès le vendredi, une coopération a été initiée avec la police judiciaire, seule saisie de ces deux enquêtes.

Sur la base de quels critères vos services évaluent-ils un terroriste potentiel ?

Il n’y a pas de grille prédéfinie. Chaque cas fait l’objet d’un traitement particulier et attentif. Dès qu’un individu présente le moindre risque de compromission et d’action violente, la DCRI sollicite l’ouverture d’une enquête préliminaire auprès du parquet de Paris.

Combien de Français partent-ils, chaque année, dans les zones de combat du jihad ? Et combien en reviennent-ils ?

Les chiffres varient sensiblement d’une année sur l’autre. Beaucoup de Français se rendent chaque année dans ces zones géographiques, certains seulement rejoignant des camps d’entraînement au jihad, la majorité s’inscrivant dans des cours de doctrine religieuse fondamentaliste. Tous ceux dont les déplacements sont portés à la connaissance du service font l’objet d’investigations de la DCRI. Certaines débouchent sur des procédures judiciaires.

Combien d’entre eux sont-ils sous surveillance aujourd’hui ?

Pour des raisons opérationnelles que vous comprendrez bien, il ne m’est pas possible de répondre à cette question.
Qu’implique cette surveillance, en terme d’effectif policier comme en terme de dispositif ?

C’est l’une des cinq missions de la DCRI et c’est un domaine sur lequel sont investis beaucoup de moyens humains et techniques que ce soit à Paris ou en province. Le dispositif est très resserré aussi avec la DGSE, le service de renseignement extérieur, avec lequel nous travaillons quotidiennement pour avoir la meilleure vision possible de la menace terroriste, en utilisant les méthodes traditionnelles du renseignement : renseignement humain, renseignement technique et coopération internationale.

Voyez-vous, dans le mode opératoire et le profil de Mohamed Merah, un changement de stratégie des terroristes ?

L’ensemble des services de renseignement a tiré depuis longtemps la sonnette d’alarme sur le risque présenté par les individus isolés autoradicalisés et difficilement repérables.

Le Printemps arabe a-t-il désorganisé la coopération dans la lutte contre les filières terroristes ?

La coopération de la lutte anti-terroriste dépasse le cadre des bouleversements politiques.

La DCRI a été récemment mise en cause, notamment dans des affaires de surveillance de journalistes. La menace fondamentaliste aurait-elle été négligée au profit de ces cibles-là ?

Cette question, sans fondement et indigne, n’a aucun lien avec le sujet.

Y aura-t-il un « avant » et un « après » cette affaire Merah ? Si oui, comment cela se traduira-t-il ?

Au regard du caractère particulièrement horrible de ces événements, il serait indécent de ne pas considérer qu’il n’y aura pas d’après Mohamed Merah, ici et dans d’autres pays. Cela ne modifie pas pour notre stratégie de lutte contre le terrorisme qui a fait ses preuves depuis plus de quinze ans.

Le Parisien
http://www.leparisien.fr/faits-divers/bedrnard-squarcini-notre-strategie-de-lutte-contre-le-terrorisme-a-fait-ses-preuves-23-03-2012-1920363.php