L’hélicoptère de la gendarmerie a tourné pendant près d’une heure jeudi dans le ciel printanier de Toulouse, déchiré par les avions qui décollaient vers le nord. Les équipes de télévision étaient arrivées dans l’après-midi, accompagnées d’une petite foule hétéroclite de badauds accourus en apprenant à la radio que Mohamed Merah serait finalement enterré dans le carré musulman du cimetière “suburbain” à deux pas de l’aéroport de Toulouse-Blagnac. Au dernier moment, l’Algérie a refusé l’embarquement du cercueil sur un avion de ligne. Le suspense sur sa destination finale a duré toute la journée.
Dans l’après-midi, le maire socialiste de Toulouse, Pierre Cohen, a réclamé un report de 24 heures. Il a tenté de négocier un enterrement plus discret dans un autre lieu. En vain. C’est un représentant de la Grande Mosquée de Paris, Abdallah Zekri, qui a fait l’annonce de l’enterrement sur France Info sur le coup de 18 heures. Au même moment, un vieux corbillard, apparemment sans escorte ni cortège, se mêle aux embouteillages de la voie rapide qui relie Toulouse à Blagnac et Colomiers. Il est rattrapé par des fourgons de gendarmerie qui font hurler leurs gyrophares pour se frayer un passage sur la route encombrée par la sortie des usines d’Airbus.
“Ce n’est pas bien de tuer les enfants”
La courte cérémonie s’est déroulée en dehors des heures d’ouverture du cimetière, en présence d’un imam. Vers 18 h 30, une trentaine de jeunes garçons de la cité des Izards, arrivés en voiture et masquant leur visage derrière un foulard, ont été autorisés à y participer. Les gendarmes relèvent leurs noms avant de les laisser entrer et de les escorter jusqu’à la tombe. L’inhumation s’achève vers 19 h 30 par un sonore “Allah akbar”, précédé de quelques cris en arabe lancés à l’adresse des photographes et de quelques curieux qui tentent de suivre l’enterrement derrière le grillage. Certains sont venus avec caméscope et téléobjectif, à la manière des spotters qui traquent les nouveaux avions sur la colline voisine. Un camion-poubelle tente de se frayer un passage sur le chemin encombré par les voitures en stationnement. “C’est pour le ramassage”, glisse un homme à sa femme.
Avant l’arrivée des renforts de gendarmerie, la situation commençait à se tendre devant l’entrée du cimetière, à quelques minutes du début de la cérémonie. Béret ostensiblement fixé sur la tête, un homme confie qu’il aurait préféré que le cercueil soit enterré en Algérie, croyant savoir que le jeune homme avait la binationalité franco-algérienne. “Vive la France !” lance une femme par la fenêtre ouverte de son automobile. Une jeune fille ramasse un caillou qu’elle lance contre le pneu de la vieille voiture verte qui repasse après avoir tourné au rond-point desservant le cimetière. Elle assure avoir entendu aussi “Vive Marine Le Pen !” Assise sur le banc d’un abribus, sa mère en foulard et habit traditionnel dit doucement en s’excusant de ne pas bien parler français : “Ce n’est pas bien de tuer des enfants.” Plus exalté, un jeune homme demande à visage découvert, tout en hésitant à donner son nom, “des preuves irréfutables” de la culpabilité de Mohamed Merah.
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