AISNE. L’Aisne est en haut du panier et n’a pas de quoi se réjouir. Troisième département français par son taux de victimation pour les violences sur médecins, l’Aisne joue de plus une part active dans le fait que la Picardie reste la 2e région en terme de violences en milieu hospitalier. Etat des lieux.

DEUX rapports permettent de chiffrer l’ampleur de l’insécurité dans le milieu médical. La semaine dernière, l’observatoire de la sécurité du Conseil national de l’ordre des médecins publiait son rapport annuel. Dix-neuf médecins agressés en Picardie dont quatorze dans l’Aisne (lire par ailleurs).

L’observatoire national des violences en milieu hospitalier a lui aussi rendu public son bilan annuel : 5760 faits signalés en France en 2011 dont 500 rien que pour la Picardie (soit 8,70 % des signalements). « Et l’Aisne concentre une grande partie de ces signalements. » Éclairage et explications des violences latentes dans les hôpitaux avec Jean-Robert Ah-Vane, secrétaire général CGT au centre hospitalier de Laon et membre de l’Union départementale santé-action sociale.

L’union : pour la troisième année consécutive, la Picardie est la 2e région en nombre de faits constatés, derrière l’Ile-de-France. Mais qu’elle est la situation précisément dans l’Aisne ?

Jean-Robert Ah-Vane : Sur les 500 signalements en Picardie, un très grand nombre provient de l’Aisne. Et, clairement on a l’impression que le nombre a encore augmenté en 2011 par rapport en 2010, même si les chiffres n’ont pas encore été affinés par département. Ce sont les aides-soignants, les infirmiers, les brancardiers qui souffrent surtout de ces violences. Les secrétaires médicales également, qui doivent gérer les salles d’attentes bondées ou les patients mécontents de découvrir que la consultation est privée alors qu’ils pensaient qu’il s’agissait d’une consultation publique.

Les raisons de ces actes de violence ?

C’est surtout aux urgences que l’on constate ces violences. Nous avons des personnes qui viennent de loin. Par exemple, ceux qui habitent sur Vervins ou Sains-Richaumont se rendent aux urgences à Laon car les hôpitaux de Guise comme d’Hirson n’assurent plus d’urgence. Ces patients ont fait beaucoup de route, ils sont venus par leurs propres moyens et, une fois arrivés, ils doivent attendre encore d’être pris en charge. Nous avons de moins en moins de médecins qui assurent les gardes du week-end. Les malades sont ainsi orientés vers les urgences mais, à défaut réellement de cas d’urgences, elles sont orientées vers la maison médicale de l’hôpital. Là, le patient découvre que le prix de la consultation est le double d’une consultation normale. Le délai de prise en charge aux urgences est parfois très long, à cause du manque de personnel, de la suppression des lits, ce qui favorise la montée de violences. Les lits installés dans les couloirs, les salles de bain parfois, le fait que les malades passent leur nuit sur un brancard en attendant que l’on puisse s’occuper d’eux ne facilitent pas les choses.

De quels types de violences s’agit-il ?

On parle surtout de violences physiques. Les violences verbales, les insultes sont quasi quotidiennes et on ne les relève plus. On a également de la casse. Des personnes qui passent leurs nerfs sur le matériel médical. On a affaire aussi à des personnes de plus en plus alcoolisées ou sous l’effet de la drogue, des personnes avec des problèmes mentaux… On aimerait avoir aux urgences en permanence des personnes spécialisées en psychiatrie, ce qui n’est pas le cas.

Des insultes quasi quotidiennes

Un problème pris au sérieux ?
L’agence régionale de santé ne prend pas en compte le phénomène, n’essaye pas d’en chercher les causes. Pour nous, il ne fait aucun doute que si la région est, pour la troisième année consécutive, la deuxième en terme de faits relevés, ce n’est pas uniquement parce que l’on prend au sérieux les dérapages et que l’on fait ainsi davantage de signalements qu’ailleurs. La déclaration est une procédure assez lourde qui doit être faite par l’agent, ce qui a tendance à décourager la victime de faire un signalement.
Il y a un réel problème en Picardie. Paradoxalement, le ministre du travail et de la Santé, Xavier Bertrand, est de Picardie, qui est la région française la plus déshéritée en médecins. C’est dans la pénurie, dans l’offre de soins de plus en plus difficile pour les patients qu’il faut chercher l’origine, les causes des violences. À Saint-Quentin comme à Laon, le personnel médical est de plus en plus réticent à travailler la nuit, propice aux agressions. Et souvent, on constate malheureusement que la direction a du mal à reconnaître ces agressions, et pas uniquement parce que les victimes mettent parfois une journée ou deux pour en parler, mais parce que les reconnaître occasionne aussi un coût financier.

Propos recueillis par Aurélie BEAUSSART
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