Voilà qui fait un peu désordre, à quelques jours du premier tour de l’élection présidentielle, et qui relance le débat sur la liberté d’expression des gendarmes. Bernard Cordoba, major de gendarmerie de Libourne, élu, samedi 14 avril, vice-président de l’association Gendarmes et citoyens, a été poussé à la démission de cette fonction par sa hiérarchie.
Dès le mardi 17 avril, sa suspension a été notifiée au major, avec un marché à la clé: s’il accepte de renoncer à son rôle dans l’association, il reprend son poste. A un an de la retraite, il a cédé: une suspension, cela représente des revenus divisés par deux (toutes les primes sont supprimées), et aucun recours n’est possible, car il ne s’agit pas d’une sanction mais d’une mesure conservatoire, durant quatre mois maximum, le temps de bâtir un dossier disciplinaire. Reste à savoir aujourd’hui si la suspension va être levée.
Une fois de plus, Gendarmes et citoyens, une association loi 1901 qui a “pour objet de favoriser l’expression et l’information des gendarmes et des citoyens sur la situation et le fonctionnement des forces de sécurité”, se trouve au coeur d’un conflit avec la direction de la gendarmerie. L’association, née en 2007, anime notamment un forum de discussion où les militaires peuvent partager leurs états d’âme et leurs difficultés. Le forum revendique 21000 participants – des actifs, des retraités et des proches de militaires.
FORTE TÊTE
En mai 2008, le directeur de l’époque, le général Parayre, avait enjoint à huit gendarmes en exercice de démissionner de Gendarmes et citoyens. Pour lui, l’association entendait “participer à la défense matérielle et morale des gendarmes”. Il s’agissait donc “d’un groupement professionnel à caractère syndical” interdit par le code de la défense. Les militaires avaient obtempéré, puis l’association avait toiletté ses statuts pour donner moins de prises à cette accusation d’être un simili-syndicat.
Le major Cordoba, 52 ans, était ainsi le premier gendarme d’active a rejoindre le bureau de Gendarmes et citoyens depuis 2008. Mais sa hiérarchie a de nouveau considéré qu’il s’agissait d’un groupement à caractère professionnel. Elle n’a pas pris le risque de laisser cette forte tête, un des leaders du forum, s’imposer à la tête de l’association. Le choix de tester la tolérance de la direction de la gendarmerie à une semaine de l’élection présidentielle n’est d’ailleurs pas tout à fait innocent. En trente-trois ans de gendarmerie, le major a été de nombreux combats pour la défense des conditions de vie et de travail des gendarmes, notamment les manifestations de 2001.
Plus récemment, le 15 juin 2011, Bernard Cordoba avait été auditionné par la commission de la défense nationale de l’Assemblée sur le dialogue social dans les armées, justement. Puis, le 23 février, il avait participé, ouvertement, à un entretien entre l’association La Grogne et la sénatrice Virginie Klès (PS, Ille-et-Vilaine), chargée de la gendarmerie dans le pôle sécurité du candidat à la présidentielle, François Hollande.
Si aucun candidat n’envisage de rompre le statut militaire des gendarmes et de leur ouvrir la possibilité de se syndiquer, l’équipe socialiste envisage de les autoriser à élire leurs représentants au sein du Conseil de la fonction militaire-gendarmerie (CFMG). Aujourd’hui, les membres de cette instance consultative sont… tirés au sort. Dans une lettre du 11 avril adressée à Gendarmes et citoyens, le directeur de campagne de Nicolas Sarkozy, Guillaume Lambert, suggère plus prudemment d'”évaluer” si le CFMG remplit sa mission.
Laurent Borredon
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