Le cap de la prescription d’héroïne médicalisée pour soigner les toxicomanes est loin d’être franchi en France. Pourtant, un nouveau rapport de l’Observatoire Européen des Drogues et des Toxicomanies, paru la semaine dernière, vient confirmer l’efficacité de ce type de thérapie.
Pionnière en la matière, la confédération helvétique autorise les premiers traitements par injection d’héroïne sous supervision médicale, en 1994. A noter que ces programmes étaient d’ores et déjà existants aux Etats-Unis depuis le début du XXème siècle. A une différence près: ils étaient dénués de tout encadrement médical.
La prolifération du virus du sida, sur fond de hausse croissante d’héroïne à l’échelle nationale, explique le changement de paradigme opéré par les autorités suisses dans les années 1990. Alors une nouvelle politique globale s’installe. Elle vise à prévenir voire à limiter les dommages causés par la prise de drogues dures.
Le traitement présente des avantages réels tels, qu’il est autorisé par référendum, voté aux deux tiers par la population helvétique en 1999. Seul le parti conservateur et souverainiste – l’Union Démocratique du Centre – juge l’initiative trop chère et peu incitative au renoncement de la prise de drogues.
Un objectif: l’abstinence
Le premier centre ouvre à Genève en 1995. Encadré d’une équipe multidisciplinaire de psychiatres, infirmiers et assistantes sociales, le toxico vient s’y injecter ses doses d’héroïne, à raison de trois fois par jour, dans un cadre très règlementé et parfaitement stérilisé. En son sein, sa santé physique et mentale s’améliore, sa consommation diminue. Reste l’ultime objectif: parvenir à l’abstinence à plus long terme.
Seuls sont concernés les injecteurs de rue caractérisés par une vulnérabilité extrême tant financière, sociale que sanitaire. De ce fait, les critères de sélection sont stricts: être majeur, “accro” depuis au moins deux ans, et présenter une résistance chronique aux traitements conventionnels de substitution à base de méthadone ou de subutex.
Baisse de la mortalité
L’expérience est jugée concluante par près des deux tiers des toxicos impliqués durant les trois premières années. En effet, la plupart d’entre eux, devenus aptes au travail, ont trouvé à se loger et recouvré une santé nettement améliorée. La mortalité associée, pour sa part, se voit sensiblement diminuée. Ainsi, depuis 1994, fortes de leurs succès, les autorités sanitaires suisses n’ont cessé de poursuivre le programme et de multiplier les centres. La Suisse en compte plus d’une vingtaine à ce jour.
Sans parler des avantages réels constatés en termes de coûts économiques. Malgré sa facturation importante – de 12 000 à 20 000 euros par an pour un patient pour un traitement par héroïne médicalisée contre 1 500 à 3 000 euros pour la méthadone – des études ont révélé une réduction des dépenses associées aux peines d’emprisonnement et procédures pénales. Rendant ainsi le coût du traitement inférieur au coût social de la toxicomanie.
En 2011, près de 2500 héroïnomanes ont pu bénéficier du traitement dans les quelques pays qui l’autorisent. En France néanmoins, une telle perspective relève pour beaucoup du rêve. Tant les réticences sont nombreuses, et les obstacles éthiques et politiques, insurmontables. Du moins à ce jour…
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