La soeur du multirécidiviste en fuite, tué ce week-end à Noisy-le-Sec (Seine-Saint-Denis) par un policier qui a été mis en examen pour «homicide volontaire», a déclaré jeudi que son frère Amine Bentounsi a été victime d’une «bavure».
Parallèlement, plusieurs centaines de policiers ont de nouveau manifesté à Bobigny, pour exprimer leur colère alors qu’un groupe est parti pour le Raincy où ils ont été reçus par le président-candidat Nicolas Sarkozy. François Hollande devrait lui aussi recevoir une délégation vers 17h30 à son QG de campagne. Un autre rassemblement spontané a eu lieu à Lyon.
«Je suis très contente que la justice ait pris le courage d’être indépendante, qu’elle ait fait son travail mais je ne comprends pas que le président de la République Nicolas Sarkozy se permette d’intervenir, c’est honteux, inadmissible!», a relevé Amal Bentounsi, 36 ans. Elle a estimé qu’en «soutenant ce genre d’individu, cela signifie qu’on donne un permis de tuer». Lors d’un déplacement au Raincy en Seine-Saint-Denis, Nicolas Sarkozy a exprimé jeudi sa confiance, son soutien et sa compréhension aux collègues du policier et s’est déclaré favorable à une «présomption de légitime défense» pour les policiers.
Une marche blanche organisée samedi
«Oui, il a fait des bêtises, il était en prison dès 13 ans mais il n’a jamais tué personne, samedi il a essayé de s’échapper, il ne voulait juste pas retourner en prison», a-t-elle affirmé. «Ce policier n’en est plus un, il a sali l’uniforme, c’est un meurtrier qui a volontairement tué mon frère en lui tirant dans le dos, c’est une bavure, ce n’est pas du tout de la légitime défense et il y a des témoins, une autopsie qui le prouvent», a ajouté la soeur de la victime, qui vit à Meaux, en Seine-et-Marne. «Je ne veux surtout pas qu’on utilise cette affaire à des fins politiques en cette période d’entre-deux-tours d’élection présidentielle», a-t-elle lancé, annonçant qu’«une marche blanche sera organisée samedi à partir de 14h30 à Meaux en la mémoire d’Amine».
Le fonctionnaire de police, âgé de 33 ans, a été mis examen mercredi pour «homicide volontaire» après avoir tué d’une balle dans le dos Amine Bentounsi, 29 ans, recherché par la police, samedi, à Noisy-le-Sec.
Sa version des faits, invoquant la légitime défense, a été mise à mal par l’autopsie et un témoignage, révélés par le parquet, selon lesquels la victime a été tuée d’une balle dans le dos. Son avocat, Daniel Merchat, a annoncé qu’il allait faire appel et dénonce une affaire dans laquelle «il y a beaucoup trop de précipitation». «Certes l’autopsie dit que l’impact est situé en région dorso-lombaire, mais c’est un fragment de projectile qui a été retiré, pas le projectile. Le projectile a ricoché avant de le toucher, donc ce n’est pas un tir direct», a-t-il argumenté.
Nouvelles manifestations de policiers en soutien à leur collègue
Les fonctionnaires de police se sont réunis vers 12h30 devant l’ancienne Direction territoriale de la sécurité de proximité (DTSP), avant de se diriger à pied, peu après 13 heures, vers la préfecture de Seine-Saint-Denis. En début d’après midi, le parquet de Bobigny a annoncé qu’il ne faisait pas appel de la mise en examen du fonctionnaire.
Les manifestants ont été reçus en début d’après-midi en préfecture, où ils devaient rencontrer le préfet Christian Lambert. «On va voir ce qu’il suggère, quelle est sa position», a dit Christophe Carrez, délégué départemental Unité SGP-FO. Au Raincy, une délégation de policiers était reçue au même moment par Nicolas Sarkozy qui se trouvait dans le département pour un meeting. La rencontre, qui n’était pas publique, s’est achevée peu après 14 heures. Le candidat socialiste François Hollande doit lui aussi recevoir une délégation de policiers, ce jeudi à 17h30, à son QG de campagne parisien pour leur faire part de «sa vision et ses propositions». «Les policiers souhaitent exprimer leur soutien à leur collègue. Ils ne comprennent pas qu’on puisse être mis en examen pour avoir essayé d’arrêter un malfaiteur dangereux», a affirmé Christophe Carrez.
a Lyon, un rassemblement spontané de policiers s’est également tenu. En civil et dans le calme, une centaine d’agents a rejoint aux alentours de midi la place Bellecour. «C’est un mouvement qui exprime un certain ras-le-bol mais aussi une solidarité envers notre collègue. Nous sommes dans le cadre de choses qui vont complètement à l’envers. On a enterré notre collègue de Chambéry il n’y a pas longtemps. C’est encore dans nos esprits” explique Jean-Paul Borrelly, secrétaire départemental du syndicat Alliance Police
C’est quoi la légitime défense?
La légitime défense est au coeur de la polémique sur la mise en examen pour homicide volontaire d’un policier de Seine-Saint-Denis, accusé d’avoir tué d’une balle dans le dos un multirécidiviste en fuite.
Ce que dit la loi : les règles de légitime défense ne sont pas identiques pour les policiers, soumis au droit commun, et les gendarmes, qui peuvent utiliser leurs armes après sommation. Selon le règlement général d’emploi de la police, l’usage de l’arme «est assujetti aux règles de la légitime défense et aux dispositions législatives et réglementaires en vigueur». L’article 122-5 du code pénal est la référence: «n’est pas pénalement responsable la personne qui, devant une atteinte injustifiée envers elle-même et autrui, accomplit, dans le même temps, un acte commandé par la nécessité de la légitime défense». Les gendarmes, militaires, sont assujettis à l’article L2338-3 du Code de la Défense: il prend en compte les menaces pour «déployer la force armée». Le texte dit aussi – ce qui n’est pas le cas pour les policiers – que lorsque les personnes invitées à s’arrêter par des appels répétés de halte Gendarmerie cherchent à échapper à leur garde, il peut y avoir usage de la «force armée».
Ce que veulent les syndicats de police : une «même loi» pour les deux forces de sécurité, préconise le Syndicat national des officiers de police (Snop – majoritaire). «Clarifier les choses» est une vieille revendication de toutes les organisations. Pour les syndicats de police, le gardien de la paix mis en examen par un juge d’instruction de Bobigny (Seine-Saint-Denis) pour «homicide volontaire», après voir tué d’une balle dans le dos un multirécidiviste en fuite, a agi en état de légitime défense, ce que le juge a exclu de facto. Alliance (second syndicat de gardiens de la paix) a lancé jeudi une pétition appelant à un «droit à la présomption de légitime défense» afin de mieux protéger policiers et gendarmes invoquant pour les deux l’article du Code de la Défense.
LeParisien.fr
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