Les nouvelles drogues de synthèse se multiplient en Europe. Leur succès relève de leur vente légale sur Internet et de leurs effets similaires à ceux des drogues dites illicites. Leurs consommateurs ne représentent qu’une frange spécifique de la population.

NRG-1, NRG-2, 4MEC,…et autres nouvelles drogues de synthèse n’ont cessé de voir leur nombre croître ces quatre dernières années. En effet, ces noms de code sont devenus de plus en plus courants dans la bouche des habitués de la drogue. “La plupart d’entre eux sont de jeunes urbains branchés âgés de 18 à 30 ans “, souligne le Dr Karila*, psychiatre-addictologue à l’Hôpital Paul Brousse en région parisienne. Contrairement aux substances provenant de la nature, ces produits psychoactifs artificiels sont synthétisés en laboratoire. Par ailleurs, leur structure chimique est autorisée, les excluant ainsi des listes nationales et internationales des substances interdites. Du moins jusqu’à leur identification.

Sur les 49 nouvelles drogues présentes sur le marché européen, 23 sont des cannabinoides de synthèse, d’après le dernier rapport annuel conjoint de l’Observatoire Européen des Drogues et Toxicomanies et d’Europol, publié le 26 avril. Il s’agit de substances dont les effets sont à peu près équivalents à ceux du cannabis. Quant aux cathinones de synthèse – plus proches des amphétamines et de la cocaïne – ils constituent le deuxième en importance des groupes de drogues surveillés de près par les pouvoirs publics.
Elles sont aussi associées aux pratiques sexuelles dans les milieux gays car elles désinhibent et stimulent la libido
Ces nouvelles drogues sont quasi absentes des milieux ruraux. Elles sont essentiellement l’apanage des grandes métropoles pour l’instant. D’après le dernier rapport de l’OEDT, 54% des jeunes consommateurs – âgés de 15 à 24 ans – affirment s’être procurés ces substances “par l’intermédiaire d’amis” et 37%, “lors de fêtes ou dans les boites de nuit”. Les autres, quant à eux, ont eu recours aux boutiques spécialisés ou internet.

“Elles sont aussi associées aux pratiques sexuelles dans les milieux gays car elles désinhibent et stimulent la libido.” Et le Dr Karila de surenchérir: “Après l’apparition du fix ou du shoot, il y a quelques années, on assiste à un phénomène nouveau: la pratique du slam. Elle consiste à s’injecter en intraveineuse ces produits euphorisants chimiques en complément parfois de produits érectiles.” Une telle pratique n’est pas sans conséquences car entre autres risques, elle augmente ceux de transmission des maladies sexuellement transmissibles, tel le VIH ou les hépatites B ou C.

Des profils de consommateurs variés

De simple curieux à dépendant absolu, les profils de consommateurs sont divers et variés. Certains s’y adonnent juste pour le plaisir de l’expérience à usage festif – une fois seulement ou occasionnellement – tandis que d’autres tombent dans l’accoutumance. Ces derniers, le Dr Karila en reçoit plusieurs par semaine dans son cabinet. ” Finalement, le schéma est le même que celui des drogues dites illicites “, ajoute le Dr Karila. ” Des drogues classiques, ils sont juste passés aux drogues de synthèse. En fait, ils ont changé de dépendance. ”

Il faut parler de ces nouvelles drogues trouver un juste milieu entre diabolisation et banalisation

Les raisons sont multiples. La méphédrone, par exemple, se vendait trois fois moins chère que son corolaire illicite, la cocaïne. Soit 20 euros le gramme. Une aubaine pour ces jeunes consommateurs dont les moyens financiers sont souvent limités. Par ailleurs, vendues sur le web sous forme de poudre ou en comprimés, ces drogues de synthèse sont légales et faciles à trouver. “D’un clic sur le web, on vous les livre par Chronopost”, ironise le Dr Karila. “Le marché de la drogue est en évolution de plus en plus rapide et globalisé avec internet.” Et les réseaux sociaux ne sont pas en reste, constituant des plateformes d’échange idéales pour les jeunes consommateurs. A cela, s’ajoutent leurs effets quasi équivalents à ceux des drogues illicites. Certaines plus stimulantes, d’autres plus euphorisantes, ces nouvelles drogues procurent sensation de bien-être et énergie. “Rien de tel pour passer une bonne soirée qui sort de l’ordinaire…”, confie un trentenaire anonyme habitué des soirées branchées parisiennes.

Mais si elles présentent des avantages, les risques sont loin d’être négligeable. De l’incapacité à s’amuser sans, à l’envie d’en consommer toujours plus, à la perte de contact avec l’entourage, il existe aussi un danger réel pour la santé – tels les infarctus, maladies cardio-vasculaires et autres, allant parfois jusqu’à l’état dépressif et aux idées suicidaires. Et le Dr Karila de conclure: “Il faut trouver un juste milieu entre diabolisation et banalisation.”

http://www.lexpress.fr/actualite/societe/qui-sont-les-accros-aux-nouvelles-drogues-de-synthese_1112060.html