Je suis désolé. J’ai été pris par “le truc”… C’est une catastrophe pour moi et pour la police, car ça jette le doute sur les pratiques policières. Je sais que j’ai fauté. Je suis anéanti. »

Terrible confession. Elle émane d’un jeune lieutenant de police alors promis à un bel avenir. Carrière brisée net par un dérapage des plus graves, qui l’a conduit derrière les barreaux : le trafic de stupéfiants. Serge Billières, 36 ans aujourd’hui, policier en cours de révocation, est aujourd’hui libre. Mais condamné. Avant-hier soir, devant la 6e chambre correctionnelle de Nice, il a écopé de trente mois de prison, dont vingt-quatre avec sursis.

Balancé par son indic

C’est l’histoire d’une « déchéance », d’après ses propres termes. Celle d’un flic tombé pour s’être comporté en « voyou », selon le parquet. Vêtu d’un élégant costume sombre, stoïque à la barre, Serge Billières baisse la tête sur le banc des prévenus. Résigné à expier sa faute. « J’ai été minable… »

Ce Toulousain d’origine, entré dans la police en 2002, arrive à Cagnes-sur-Mer en 2007. Puis à Nice en 2010. Il sera interpellé peu après, le 20 octobre. Surpris en pleine transaction avec l’indic qui dealait pour lui. Et qui l’a, à son tour, « balancé ».

Présenté par un autre policier, ce « tonton » est prêt à troquer des tuyaux contre sa régularisation. Un bon informateur, insiste Serge Billières. Tout bascule quand l’indic lui demande 20 g de cocaïne pour honorer une dette. Il les lui livre le soir même, près de l’A8, à Saint-Laurent-du-Var. S’ensuivront des transactions régulières entre Promenade des Anglais et Marina Baie des Anges. Jusqu’au jour où l’indic, las de jouer les dealers, dénonce Serge Billières à ses collègues.

« Il y a 8 000 € dehors… »

L’enquête de l’IGPN sera fatale à son contact flic. Étayée par les géolocalisations des téléphones portables, et les échanges avec l’indic. Le président Patrick Véron lit des SMS accablants : « Et les sous ? Tu te moques de moi ? » « Il y a 8 000edehors… » « J’ai 3 kg de bon. »Les perquisitions dans sa voiture et son bureau feront le reste.

Le policier va passer trois mois en prison, puis autant assigné à résidence. Le voilà poursuivi pour bris de scellés, vol de stupéfiants dans l’exercice de ses fonctions, et trafic. Dans quelles quantités ? 200 g de cocaïne et 1 kg de résine de cannabis, selon le procureur Hervé Leroy, qui ne mâche pas ses mots :« Entre flic et voyou, il faut choisir. Vous êtes passé de l’autre côté de la barre. Oui, vous êtes un voyou ! Vous avez trahi la fonction publique et l’institution judiciaire ! »

Serge Billières bat sa coulpe. Mais livre une version bien différente. Il admet avoir trafiqué de la coke, mais pas du shit. Affirme que la drogue ne provenait pas de scellés, mais de « saisies sèches », connues de lui seul. Assure que ces pratiques borderline visaient à « sortir » des affaires, sous la pression du résultat. Et que de telles pratiques existaient « depuis toujours »…

Trois ans ferme requis

Son défenseur, Me Gérard Baudoux, appelle « à ne pas se réfugier derrière une hypocrisie de mauvais aloi ». Et évoque, sans la citer, l’affaire Neyret (1).« Il n’est pas l’initiateur de cette pratique. (…) Il n’a pas su s’abriter derrière le garde-fou, même si certains textes sont des pousse-au-crime. »

Reste, souligne le parquet, que le prévenu a cédé à la tentation par intérêt personnel. Pour faire face à des difficultés financières. Ses réquisitions sont lourdes : cinq ans de prison, dont deux avec sursis-mise à l’épreuve. Et mandat de dépôt à la barre.

Certes, conclut le tribunal, les faits sont « d’une grande gravité ». Mais au regard d’un parcours jusqu’alors sans tâche, il limite la peine ferme à six mois, déjà purgés. Pendant cinq ans, Serge Billières se voit en outre interdire toute mission de service public, ainsi que ses droits civiques. Aujourd’hui, il s’est reconverti dans le privé.

(1) Michel Neyret, l’ex-n°2 de la PJ de Lyon, en poste à Nice de 2004 à 2007, est incarcéré depuis le 3 octobre, mis en examen pour une dizaine de chefs dont « corruption » et « trafic d’influence ».

http://www.nicematin.com/nice/un-policier-tombe-pour-trafic-de-stups-6-mois-de-prison-ferme-0.873241.html