Trois nouveaux, certes, mais pas des petits nouveaux. Mercredi 30 mai, trois hommes chevronnés ont été nommés à la tête de la préfecture de police (PP), de la direction générale de la police nationale (DGPN) et de la direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) lors du conseil des ministres. Il s’agit de deux préfets – Bernard Boucault à la PP et Claude Baland à la DGPN – et d’un policier, Patrick Calvar, à la DCRI. Ce n’est pas une surprise: ils étaient tous les trois pressentis en cas de retour de la gauche au pouvoir. “Je souhaite m’entourer d’hommes expérimentés dont les qualités sont reconnues par tous”, résume Manuel Valls, le nouveau ministre de l’intérieur.
Les trois hommes remplacent Michel Gaudin, Frédéric Péchenard et Bernard Squarcini, tous proches de l’ancien président de la République. Une chasse aux sorcières, comme l’ont dénoncé, par avance, des responsables de l’UMP? “Tous ont été reçus longuement par le ministre. Ce sont des hommes en place depuis dix ans, très compétents, mais liés de manière personnelle, même intimement pour certains, à Nicolas Sarkozy, se défend-on dans l’entourage du ministre. Il s’agit de trois postes stratégiques pour l’exécutif et le ministre de l’intérieur. Les changements étaient nécessaires: il fallait des hommes opérationnels qui travaillent en confiance absolue avec le ministre et son cabinet.”
La seule petite surprise, finalement, est venue du départ de Michel Gaudin, convoqué Place Beauvau, mardi à 7 h 30, par M. Valls, avant son déplacement à Madrid. Il lui a été proposé de quitter ses fonctions dès mercredi, mais il a obtenu quelques jours de délai. “C’est très brutal, par rapport à ce que représente Michel Gaudin, un grand serviteur de l’Etat”, jugeait un de ses proches. La nomination de l’un de ses collaborateurs comme directeur adjoint du cabinet de M. Valls, Renaud Vedel, n’a pas suffi à le sauver.
M. Gaudin est un proche de l’ancien président – “je m’honore effectivement d’être un ami de Nicolas Sarkozy”, affirmait-il dans un entretien au Monde, le 14 janvier, après la révélation de l’affaire de l’IGS, la “police des polices” parisienne (lire : “Les policiers de l’IGS conservent tout mon soutien”). A 63 ans, après cinq ans à la tête de la police nationale (2002-2007) et cinq ans à la préfecture de police, il s’apprêtait à prendre sa retraite à l’été 2013. Le nouveau pouvoir a été tenté de le laisser en poste. D’ailleurs, on assure, Place Beauvau, que les réformes phares que M. Gaudin avait impulsées, la mise en place d’une police d’agglomération et le plan de vidéosurveillance à Paris, seront maintenues.
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Mais il doit laisser la place à Bernard Boucault, actuel directeur de l’Ecole nationale d’administration (ENA), pourtant également âgé de 63 ans. François Hollande avait donné sa promesse à M. Boucault, à qui le secrétariat général de l’Elysée avait déjà échappé. Un “dérivatif” a été envisagé: la préfecture de région Ile-de-France. Mais le poste ne faisait pas le poids face à la prestigieuse préfecture de police. “Ce n’est pas choquant que Michel Gaudin s’en aille, explique un proche du dossier. D’autant plus qu’il a eu une longévité incroyable. Le problème, c’est par qui et pourquoi il est remplacé. Et là, c’est moins glorieux.”
Quant à Frédéric Péchenard, le DGPN, et Bernard Squarcini, le patron du renseignement intérieur, leur sort avait été scellé par François Hollande, alors candidat, le 4 mai. “C’est vrai que Nicolas Sarkozy a mis un vrai système en place. (…) Ceux qui sont liés à ce système auront forcément à laisser la place à d’autres. Le système dont je parle est connu, c’est celui qui existe au ministère de l’intérieur, avec deux hauts fonctionnaires, qui sont le directeur général de la police et le directeur du renseignement, dont l’un est mis en examen [dans l’affaire des fadettes du Monde]”, avait affirmé le futur président.
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Pour remplacer M. Péchenard à la DGPN, le nom de Claude Baland, 62 ans, s’est rapidement imposé. Ce préfet de carrière, qui a été directeur de l’administration de la police, entre 2001 et 2004, n’a jamais fait de vague. Cet homme “consensuel” sera parfait pour négocier avec les syndicats, très puissants au ministère de l’intérieur, explique un haut gradé de la police, qui craint toutefois le maintien d’une “cogestion” Place Beauvau: “Ce n’est pas un homme à poigne.” Sa nomination constitue une forme de revanche pour le corps des préfets, qui, durant la période Sarkozy, a été secoué par des mouvements brutaux et l’arrivée de nombreux commissaires. Pour un proche du ministre, “il vaut mieux des préfets partout, c’est le seul moyen d’apaiser les esprits”. Il faut dire que le système de primes aux résultats a considérablement tendu les relations entre les commissaires d’un côté et les officiers et les gardiens de la paix, de l’autre.
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A la DCRI, le remplacement de Bernard Squarcini était plus complexe, avec la gestion des suites de l’affaire Merah, et la menace terroriste, notamment d’Al-Qaida au Maghreb islamique. Un moment “délicat”, explique-t-on Place Beauvau. Le choix s’est donc porté sur un policier “qui connaît parfaitement la maison”. Directeur du renseignement à la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) depuis 2010, Patrick Calvar, 56 ans, a réalisé une grande partie de sa carrière à la Direction de la surveillance du territoire (DST, contre-espionnage), où il a notamment occupé les fonctions de sous-directeur chargé du monde arabo-musulman. En 2008, lors de la création de la DCRI, issue de la fusion entre la DST et les renseignements généraux, il devient adjoint du nouveau patron, Bernard Squarcini.
Une proximité qui ne trouble pas plus que ça un proche du ministre: “Il représente une certaine continuité, mais il est d’une très grande loyauté.” Une promesse n’aura donc pas été tenue par François Hollande: la tête de la DCRI n’est pas accordée au préfet Nacer Meddah, secrétaire général de la campagne présidentielle, déjà absent de l’équipe élyséenne. “Sa compétence était inexistante, et il était trop proche politiquement du président”, explique une source proche du dossier. Car M. Hollande l’a répété, mardi, lors de son intervention sur France 2: les partants “seront remplacés non pas par des proches, des intimes, des obligés, mais par des hauts fonctionnaires de qualité”.
Le chef de l’Etat a également assuré que le mouvement “va s’arrêter là”. Il s’est un peu avancé. D’autres changements pourraient suivre, au contraire, notamment dans le domaine de la sécurité publique, cruciale dans la perspective du retour d’une forme de police de proximité. Et l’âge des nouveaux arrivants, à la PP et à la DGPN, laisse entrevoir de nouveaux mouvements.
Mais le pouvoir socialiste se heurte à un problème, le faible vivier d’hommes, après dix ans d’opposition. “Dans l’appareil d’Etat il y a 500 postes essentiels en termes de compétences et une centaine qui nécessitent une proximité de confiance. À ce stade il semble bien que la gauche, faute de renouvellement, n’ait pas les effectifs suffisants”, explique le criminologue Alain Bauer. “C’est une première phase, reconnaît un proche du ministre. Il nous faut maintenant bâtir une nouvelle génération de préfet et de sous-préfets, trouver des hommes et des femmes, pas forcément de gauche, mais loyaux.”
Laurent Borredon
Pas de recasage pour un proche de Claude Guéant
Georges-François Leclerc, 45 ans, ancien directeur adjoint de cabinet de Claude Guéant, promu in extremis préfet du Gard au lendemain de la présidentielle, devait être également limogé, mercredi 30 mai, lors du conseil des ministres.
Fait rarissime, son prédécesseur, Hugues Bousigues, devait être nommé à nouveau. M. Leclerc sera appelé plus tard à d’autres fonctions.
Tout comme Bernard Squarcini. «Il est mis en examen [dans l’affaire des fadettes des journalistes du Monde]», rappelle-t-on Place Beauvau. Michel Gaudin et Frédéric Péchenard sont, eux, recasés, le premier au Conseil d’Etat et le second à la tête de la délégation interministérielle à la sécurité routière.
http://www.lemonde.fr/societe/article/2012/05/30/nouveau-casting-a-la-tete-de-la-police_1709406_3224.html
(merci à “Cat aclysme”)