Malgré le dispositif mis en place autour de son domicile, le tueur au scooter s’est joué de la surveillance des policiers pendant plusieurs heures. Par le passé, ce sont les services de renseignement qu’il avait réussi à tromper.
La nuit est tombée sur Toulouse ce mardi 20 mars. Dans quelques heures, le Raid lancera l’assaut contre l’appartement de Mohamed Merah, au numéro 17 de la rue du Sergent-Vigné. Le jeune jihadiste, identifié depuis la veille comme le tueur au scooter, est cerné. Un dispositif de surveillance très serré a été mis en place tout autour de son immeuble.
Fait incroyable : Merah va pourtant parvenir à le déjouer. Durant près de cinq heures, probablement au volant de sa voiture, il sillonne la Ville rose préparant, méthodiquement, la médiatisation de ses crimes.1 Vers 19h30, il se présente chez Yamina*, une jeune femme dont l’ex-mari, carrossier, l’a fait travailler. Le week-end précédent, ils se sont croisés dans une boîte de nuit des environs de Toulouse. Merah lui a demandé si elle pourrait l’héberger prochainement en raison de « problèmes familiaux ». Elle n’est donc pas surprise quand il se présente à sa porte, ce mardi soir. « Il a déposé deux sacs dans ma chambre et m’a demandé s’il pouvait dormir chez moi, raconte-t-elle aux policiers. Je lui ai remis un trousseau de clés, mais il n’est jamais revenu. » Elle assure n’avoir pas regardé à l’intérieur des sacs, qui contenaient des vêtements, mais aussi la caméra GoPro utilisée par Merah pour filmer ses tueries et l’ordinateur avec lequel il en a fait un montage vidéo.
Ignorant que Merah a quitté son domicile, les forces de l’ordre préparent l’assaut. A 22 heures, le patron de la sous-direction antiterroriste de la police judiciaire rédige un PV intitulé « éléments d’enquête motivant les arrestations de Mohamed Merah et Abdelkader (NDLR : son frère soupçonné de complicité) ». Le top départ de l’opération de neutralisation du terroriste est ainsi donné.*
2 A 22 h30, des policiers de la brigade de recherche et d’intervention (BRI) de la police judiciaire de Toulouse se rendent avenue Camille-Pujol, à quelques centaines de mètres de la rue du Sergent-Vigné. Un dispositif de surveillance est installé, « en complément » de celui déjà déployé par la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI). A 23h45, tout est en place. Au total, cinq points sont tenus par la BRI, les autres par la DCRI.
Mohamed Merah, lui, est en vadrouille.
3 A 0h22, il se trouve au numéro 79 de l’avenue de la Gloire, dans une cabine téléphonique. Il y passe quatre coups de fil, respectivement à Al-Jazira à Paris, BFMTV, i>télé et enfin France 24, où il finit par joindre un interlocuteur. Durant les quatorze minutes de cette conversation, il revendique calmement ses crimes.
4 Il est 0h45. Alors qu’il se rapproche de son domicile de la rue du Sergent-Vigné, Merah s’arrête dans une autre cabine, au 69, avenue de Castres, à trois rues. Il tente alors, de nouveau, de joindre Al-Jazira et BFM. Sans succès. Parallèlement, Merah adresse au siège parisien d’Al-Jazira une copie vidéo de ses massacres. Le courrier a été posté « entre le mardi 20 mars après 17h30 et le mercredi 21 mars avant 17h30 », estime la Poste. Compte tenu du siège du Raid, le pli n’a pu être expédié qu’entre la fin de l’après-midi du mardi et le moment où le terroriste rentre chez lui vers 1 heure. Remarque-t-il quelque chose? Entre l’avenue de Castres et son immeuble, il passe en tout cas à proximité immédiate d’un dispositif de surveillance. Les policiers ne le voient pas.
5 A 2h45, alors que les hommes de la BRI et de la DCRI sont positionnés et que le Raid est en alerte, les services du contre-espionnage donnent l’ordre de « resserrer le dispositif aux abords immédiats du domicile de l’objectif au cas où l’intéressé sortirait avant l’arrivée du Raid ». A partir de cet instant, des fonctionnaires se rapprochent de l’immeuble, certains sont « cachés dans des taillis » près de la porte d’entrée de la résidence. A 3h12, les effectifs du Raid, arrivés sur place, s’apprêtent à casser la porte de son appartement. Merah ouvre le feu. C’est le début d’un siège de trente-deux heures, qui aboutira à l’assaut final et à sa mort.
* Le prénom a été changé.
Les juges d’instruction parisiens enquêtant sur l’affaire Merah ont reçu hier les familles des victimes juives du tueur, leur promettant en particulier de faire toute la lumière sur d’éventuelles complicités. La recherche d’un réseau « fait partie des investigations », menées notamment au plan international, a précisé l’un des avocats des proches des victimes.
Le Parisien
http://www.leparisien.fr/faits-divers/comment-merah-a-echappe-a-la-planque-des-policiers-06-06-2012-2035244.php