Alors que les juges d’instruction ont demandé mercredi la levée du secret défense sur l’affaire Merah, l’Agence France Presse (AFP) a divulgué jeudi des documents dont elle a eu connaissance. Elle relate les propos encore partiels* de l’assassin de Toulouse et de Montauban lors des trente-deux heures de siège de son appartement toulousain.
Mohamed Merah a revendiqué ses assassinats, affirmé avoir réfléchi à d’autres actes, clamé ses liens avec les talibans et le banditisme.
21 mars, 3h12 quartier de la Côte Pavée. «Nous percevons en provenance de l’immeuble dans lequel se déroule l’intervention, des tirs d’armes à feu», raconte un officier du SRPJ présent, selon un document d’enquête dont l’AFP a eu connaissance.
Tapi dans son appartement, Merah, identifié comme le «tueur au scooter» responsable de la mort de trois parachutistes, trois enfants et un père juifs, vient d’accueillir le Raid, qui tente d’entrer, d’un tir nourri. Un policier est blessé. Le contact est toutefois établi. Même si ce n’est pour l’heure que par des invectives : «Je suis le messager d’Allah, j’ai combattu pour Allah !», «J’en ai pas tué assez !». Il assume ses actes, évoquant des «repérages» à Toulouse et sa région.
4h20. Le chef du Raid retranscrit les déclarations «les plus marquantes», celles qui donnent une première idée du parcours et de la détermination de Merah: «Je soutiens Al-Qaïda», «Je me suis engagé à intégrer les groupes de combat», «Je suis allé au Pakistan cet été», «Je suis allé en Algérie, Irak, Syrie», «J’ai décidé de taper la France», «Je vous ai tapé la France», «J’ai un 9mm, un Uzi et un 45″». A un policier, il lâche: «Arrête de me passer la pommade».
Les hommes du SRPJ, chargés de faire un rapport sans prendre part aux négociations, décident d’enregistrer, à l’aide d’un iPhone*, les dialogues entre les policiers et Merah, tué dans l’assaut final le 22 mars.
5h10. Merah tire une demi-heure, les policiers répliquent.
6 heures, les discussions reprennent. A l’arrivée d’un fonctionnaire de la DCRI qui le connaît, «Mohamed Merah semble se calmer», note l’officier. Et livre ses projets dont l’enquête devra vérifier la crédibilité.
12h38, le forcené évoque des cibles envisagées, un «attentat contre l’ambassadrice de l’Inde ou des personnalités de type chef de presse, suggérées par les talibans pakistanais». Toutefois, «l’intéressé précise qu’il se refusait à commettre ces actions qu’il estimait hors de sa compétence», selon le document d’enquête.
Merah raconte ses «repérages» dans l’agglomération toulousaine notamment à Blagnac, Colomiers, Launaguet. Il cite une «maison juive», la synagogue de Bagatelle à Toulouse, l’appartement de policiers, celui d’un gendarme…
En début d’après-midi. Le forcené jette une arme au sol et parle de ses appels de la nuit aux médias, passés peu après minuit depuis une cabine téléphonique toute proche, pendant ces quelques heures où il a échappé à la surveillance de la police. Il explique ensuite avoir filmé les attentats avec une caméra fixée au torse, et revendique avoir pensé à «agir en France» dès son retour du Pakistan en novembre 2011, où, selon un livre à paraître («Affaire Merah, l’enquête», Ed. Michel Lafon), il a été en lien avec un groupe lié à Al-Qaïda. Il dit avoir «uniquement attendu d’avoir le matériel pour agir». C’est pour cela, explique-t-il, qu’il se serait rapproché du grand banditisme pour trouver des fonds.
Enigme sur son compte bancaire. Un autre document, consulté par l’AFP, révèle que 3 700 euros en espèces, aussitôt utilisés, ont transités sur le compte de Mohamed Merah entre le 23 décembre 2011 et le jour de la tuerie du collège Ozar Hatorah le 19 mars. Le Toulousain pourtant ne dispose comme ressource officielle que de 390 euros de pôle emploi.
*L’intégralité des échanges enregistrés avec l’Iphone n’a pas pas été versée au dossier. «Une partie du dialogue est quasi inaudible et deux experts travaillent à la transcription», a indiqué à l’AFP une source proche de l’enquête. Les juges ont indiqué aux familles des victimes que ces transcriptions seront versées au dossier en septembre.
L’ex-épouse religieuse de Merah va assigner «Le Point» en justice
L’avocat de celle qui fut religieusement l’épouse de Mohamed Merah du 15 décembre 2011 à sa répudiation le 2 janvier a indiqué jeudi qu’il allait assigner Le Point pour avoir attenté à la vie privée de sa cliente mineure. Il reproche à l’hebdomadaire d’avoir publié contre le gré de la jeune fille, un article consacré aux quelques jours pendant lesquels elle a été au regard de l’islam (mais non pas de l’état civil) l’épouse de Merah. Me Etelin juge «particulièrement odieux» le procédé consistant à donner l’impression que la jeune fille a parlé au Point alors que «l’article en cause n’est rien d’autre que la reproduction de son interrogatoire effectué par les policiers après la mort de Mohamed Merah», a-t-il dit à l’AFP. «L’article fournit tous les détails permettant de l’identifier, ainsi que ses parents», a-t-il dit. Contacté par l’AFP, le directeur du Point, Franz-Olivier Giesbert, a indiqué ne pas avoir été informé de cette plainte et n’a pas souhaité réagir avant d’en connaître les éléments précis.
LeParisien.fr
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