La voix est forte, vacille à peine mais la douleur est bien là, envahissante même. La colère aussi, contenue, mais tellement visible. « Il a sorti la tête de l’eau récemment mais il vit ça très mal », confirme son avocat, Me Fabien Picchiottino. Le 12 mai 2010, Rénald Magnier a vécu un drame atroce. Il a quasiment vu sa compagne, Claire Simon, poignarder à mort sous ses yeux Rose, leur petite fille de 5 ans, dans leur maison de La Bouille (Seine-Maritime).
« J’ai entendu un râle terrible dans la chambre et j’ai découvert l’horreur. J’ai désarmé ma compagne et j’ai vu ma fille qui me regardait. J’ai vu de l’incompréhension dans son regard. »
Agression au couteau en 2005
La justice aussi s’est avérée incapable de comprendre, vaincue par la médecine. Deux expertises ont conclu à l’abolition, au moment des faits, du discernement de Claire Simon, diagnostiquée schizophrène. Ce matin, la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Rouen devrait donc confirmer ce non-lieu psychiatrique.
« On ne juge pas les fous, c’est normal. Mais je ne veux plus jamais qu’elle sorte de l’hôpital », souffle Rénald, 48 ans. Longtemps, ce réalisateur de films éducatifs a refusé d’accepter qu’il n’y aurait pas de procès. « Mais aujourd’hui j’ai compris que l’incarcération n’apporterait strictement rien, jure-t-il. Il faut que je l’admette : je suis tombé amoureux d’une psychopathe, j’ai vécu seize ans avec elle. »
Depuis le drame, Rénald retourne le passé dans tous les sens. Il en veut à la terre entière. A sa compagne qui lui a enlevé ce qu’il avait de « plus cher au monde ». Aux « quinze psychiatres qui l’ont examinée » et qui, malgré quatre hospitalisations entre 2005 et le meurtre, n’ont pas décelé sa dangerosité. Et insidieusement, même s’il ne pourra jamais l’admettre, sans doute un peu à lui-même.
En 2005, un premier épisode l’avait alerté : une agression au couteau dont il avait été victime de la part de Claire. « Le lendemain elle m’a imploré son pardon. Le psychiatre a dit que ce n’était pas grave, que ça devait être dû à l’accouchement. Elle est repartie avec un traitement de trois mois. Je l’aimais, je lui ai pardonné », se souvient Rénald. Mais, au moment du passage à l’acte tragique, il n’avait décelé « aucun signe avant-coureur ». « Au contraire, elle allait mieux, insiste-t-il. Elle avait même vu un psychologue trois jours avant de tuer Rose. »
Bouleversé, et donc excessif, Rénald se bat désormais contre une éventuelle sortie de son ex-compagne, aujourd’hui âgée de 41 ans, qu’il croit capable de récidiver. « Si on prend un peu de recul, on peut concevoir sa guérison et sa sortie de l’hôpital, tempère Me Picchiottino, mais il faudra que des conditions de sécurité exceptionnelles soient prises. » « On mesure une démocratie à la façon dont elle traite ses plus fragiles, et les malades en font partie, estime Me Dominique Valles, l’avocate de Claire. C’est bien que la justice reconnaisse cette irresponsabilité. »
Le Parisien
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