« Chère Madame, cher Monsieur,

« Aujourd’hui quand on a une couleur de peau qui n’est pas blanche, on est beaucoup plus contrĂ´lĂ© (…) On est identifiĂ© comme un facteur de problème et c’est insoutenable. Â»

Par cette petite phrase, prononcĂ©e lors d’une longue interview accordĂ©e vendredi dernier Ă  un mĂ©dia en ligne, Emmanuel Macron a mis le feu aux poudres.

Les policiers se sont Ă©tranglĂ©s de s’entendre ainsi accusĂ©s implicitement de racisme et des syndicats de police ont appelĂ© Ă  ne plus faire de contrĂ´les d’identitĂ© en attendant qu’Emmanuel Macron revienne sur ses propos. D’autres syndicats de police ont annoncĂ© qu’ils suivraient l’initiative.

Alors que la France est au bord de l’abĂ®me, avec une situation sociale explosive et une dĂ©linquance hors de contrĂ´le, le chef de l’État a choisi de faire un grand pas en avant en se mettant Ă  dos les forces de l’ordre !

Mais d’abord, comment Emmanuel Macron peut-il affirmer ce genre de choses, alors que les statistiques ethniques sont censĂ©es ĂŞtre interdites en France ?

En fait, comme très souvent dans notre pays, il y a la règle, et puis il y a les exceptions…

L’affirmation Ă  l’emporte-pièce du prĂ©sident de la RĂ©publique repose vraisemblablement sur une Ă©tude du DĂ©fenseur des droits, publiĂ©e en 2017 sous le titre « Relations police/population : le cas des contrĂ´les d’identitĂ© Â», Ă©tude dont les mĂ©dias ont reparlĂ© rĂ©cemment.

En quoi consiste cette fameuse Ă©tude ? 5 117 personnes ont Ă©tĂ© interrogĂ©es au tĂ©lĂ©phone, et on leur a posĂ© la question : « Au cours des 5 dernières annĂ©es, combien de fois avez-vous eu personnellement un contrĂ´le d’identitĂ© par la police ou la gendarmerie ? Â». Et on leur a Ă©galement demandĂ© « Comment pensez-vous que les autres vous voient ? Â». Parmi les rĂ©ponses : « blanc Â», « noir Â», « arabe Â», « asiatique Â», « mĂ©tis Â», « maghrĂ©bin Â», « autre Â».

En combinant ces deux rĂ©ponses, on s’aperçoit que les individus qui se considèrent comme « noir Â» ou « arabe Â», ou « non-blanc Â» comme dirait le chef de l’État, disent avoir Ă©tĂ© contrĂ´lĂ©s beaucoup plus souvent que les autres.

La première chose à remarquer, c’est que cette étude est purement déclarative, elle ne repose pas sur une observation objective du comportement des policiers. En fait, la seule chose qu’elle mesure vraiment, c’est un ressenti. Et rien ne garantit que ce ressenti corresponde à la réalité.

La deuxième chose, c’est qu’il ressort de cette mĂŞme Ă©tude que les forces de l’ordre contrĂ´lent beaucoup plus frĂ©quemment les hommes que les femmes (5 fois plus) et les jeunes que les moins jeunes (les moins de 25 ans dĂ©clarent sept fois plus de contrĂ´les que les autres).

Et pourtant, personne n’a encore pensĂ© Ă  accuser policiers et gendarmes d’être « sexistes Â» envers les hommes ou bien de faire de la « jeunophobie Â» !

La raison est très simple : tout le monde comprend très bien que la dĂ©linquance n’est pas Ă©galement rĂ©partie au sein de la population et que les dĂ©linquants, dans une Ă©crasante majoritĂ©, sont des hommes jeunes.

En France, le mois dernier, les hommes reprĂ©sentaient 96% de la population carcĂ©rale. Va-t-on demander aux forces de l’ordre de contrĂ´ler davantage les femmes, pour essayer de rĂ©tablir l’équilibre ?

Non, bien sûr, ce serait absurde. La police doit adapter son activité aux caractéristiques de la délinquance, et si elle constate que les délinquants, et particulièrement les délinquants violents, sont presque toujours des hommes, il est normal qu’elle contrôle surtout des hommes. Pareil pour l’âge.

Par consĂ©quent, si on constate que la police contrĂ´le davantage les « non blancs Â», la première question Ă  poser c’est : quelle est la composition ethnique de la dĂ©linquance ?

Comme le dit Thierry Clair, secrĂ©taire national du syndicat de police UNSA : si on se lance dans les statistiques ethniques,« il faut le faire dans tous les sens : pas seulement regarder les contrĂ´les de police, mais Ă©tudier aussi l’origine des dĂ©linquants, et ne pas oublier non plus les victimes ! Dans certains quartiers, 70% de la population est d’origine Ă©trangère. Eh bien, on retrouve cette proportion chez les personnes contrĂ´lĂ©es, de mĂŞme que chez les dĂ©linquants et chez les victimes Â».

Mais lĂ , silence radio ! Aucun chiffre officiel. Interdiction de savoir.

Ou plutĂ´t, il s’agit d’un secret de polichinelle. Tout le monde le sait, mais il est interdit de le dire tout haut. 

Un commissaire chevronnĂ© nous confiait un jour qu’il avait, par curiositĂ© personnelle, recensĂ© tous ceux que son service avait mis en cause durant les annĂ©es qu’il avait passĂ©es Ă  la tĂŞte d’une unitĂ© chargĂ©e de lutter contre le grand banditisme. « Sur 500 procès-verbaux de garde Ă  vue, j’ai trouvĂ© 75% de patronymes africains ou nord-africains. Le reste Ă©tait des antillais, des manouches… je n’ai pas trouvĂ© plus de 30 personnes s’appelant Dupond ou Durand. Â»

La rĂ©alitĂ©, que connaissent tous ceux qui observent honnĂŞtement l’action des forces de l’ordre, c’est que celles-ci concentrent leur activitĂ© lĂ  oĂą se produisent le plus d’actes de dĂ©linquance, et que ces zones de forte dĂ©linquance sont le plus souvent des zones oĂą les habitants sont très majoritairement des « non blancs Â».

Et dans ces quartiers, policiers et gendarmes ne contrĂ´lent pas les gens Ă  cause de la couleur de leur peau, mais Ă  cause de leur comportement. Il y a un parler, une dĂ©marche, une attitude « racaille Â» qu’un policier apprend vite Ă  connaĂ®tre. Plus gĂ©nĂ©ralement, un agent ayant un peu de mĂ©tier sait qu’il y a certains comportements qui sont plus associĂ©s que d’autres Ă  la dĂ©linquance. Et c’est sur la base de ces indices qu’il va contrĂ´ler.

Le criminologue Alain Bauer rappelle ainsi que des chercheurs amĂ©ricains avaient remarquĂ© que les policiers contrĂ´laient davantage les automobilistes noirs que les automobilistes blancs, y compris lorsque les policiers Ă©taient eux-mĂŞmes noirs.

Leur première hypothèse a Ă©tĂ© que les policiers Ă©taient racistes. Mais, en approfondissant leur recherche, ils sont parvenus Ă  une autre conclusion : « l’ensemble des policiers ne se fondaient pas sur un critère ethnico-racial, mais sur les voitures des personnes contrĂ´lĂ©es. Or, en moyenne, celles des Noirs Ă©taient davantage des poubelles que celles des Blancs Â».

La petite phrase d’Emmanuel Macron était diffamatoire pour les forces de l’ordre, et totalement irresponsable dans le contexte actuel.

Et il est insupportable de voir le deux poids deux mesures dont font preuve nos dirigeants en matière de statistiques ethniques. Pour accuser les policiers, ou les Français, d’être racistes, on trouve toujours des chiffres Ă  citer. Mais lorsqu’il s’agit de parler honnĂŞtement de la dĂ©linquance, on ne trouve plus rien !

La vĂ©ritĂ©, rien que la vĂ©ritĂ©, mais toute la vĂ©ritĂ©. VoilĂ  ce que nous attendons et non pas des petites phrases dĂ©magogiques. Et l’Institut pour la Justice sera toujours du cĂ´tĂ© de la vĂ©ritĂ©.

Avec tout mon dévouement,

Axelle Theillier Â«Â 

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