
« Hey mec,
Tu veux que je te dise ce qui ne tourne pas rond chez nous ?
C’est d’arriver,
D’enfiler ton uniforme et devenir ce que tu es au fond,
Un flic, un shtar, un keuf, un poulet…
C’est de te maîtriser tout le temps ou parfois pas du tout.
De faire l’objet de remarques, de critiques et d’insultes…
Au quotidien !
Même par tes proches, tes amis et tes connaissances.
D’essayer de régler les soucis de chacun,
mais pas les tiens.
Toi tu t’oublies comme un con.
Tu te dis qu’il y a pire, toujours pire.
Que ce que tu vois, que ce que t’as vu dans ta carrière, c’est pire !
Pire qu’un coup de mou, qu’un coeur qui flanche, qu’un manque de courage pour envoyer tout chier.
Tu te dis que demain est un autre jour,
Tu appliques stricto sensus le précepte que tu communiques lors de tes interventions.
Voir plus loin, plus grand.
Mais mec, notre avenir à nous il est pas plus grand que huit petites lettres,
Il est pas plus grand que le mot Retraite.
Parce qu’on est des connards, qu’on a signé ce contrat invisible avec nous même.
Qu’on a dit qu’ on le ferait.
Être #GardiendelaPaix !
Gardien de l’ordre,
Être le dernier rempart, on y a cru, on y croit plus,
Mais on voudrait y croire encore!
Devant tant de déshonneur, tant d’humiliation.
Parfois on pose un genou au sol et on laisse celle qui est notre mère, la grande faucheuse, nous prendre notre âme trop lourde.
Hey mec,
Si tu crois que c’est facile d’avoir rêvé d être un héros du quotidien et d’être transformé en balai à chiottes,
Bein non, ça l’est pas!
On en est tous là à l’heure qu’ il est
Vivre une vie solitaire où même le plus gros enculé de la planète ou la plus sale des salopes devient plus fréquentable que nous.
Si tu savais le nombre de fois où j’ai entendu que je n’étais pas fréquentable,
ou si jamais ça se sait qu’on se fréquente.
Hey mec,
T’y piges rien,
Tu sais pas toi,
Tu as tes soucis et tu les gères,
et parfois nous les gérons à ta place.
Mais quand tu rentres chez toi, que tu pues la merde, la pisse, le vomi et que tes godasses clapotent encore du sang du tarmac.
Bein mec tu sais quoi…
Tu pries juste pour trouver le sommeil.
Passer à autre chose en passant en revue ce que tu as fait pendant cette inter.
Tu ne raconteras rien à ton ami, ton mari ou ta femme.
Ou si peu, juste ce qu’il ou elle peut entendre. Pas plus.
La merde tu la laisses dans ta tête.
Tu repars au job, vaille que vaille, coûte que coûte.
Maintien de l’ordre, accident mortel, suicide et homicide.
Différend de couple, disparition, découverte de colis et de cadavre.
Les gens qui hurlent de chagrin, de haine et de colère. D’alcool et de misère.
J’te parle même pas du fait que ta moitié se barre à force d’absence et d’indifférence.
J’te parle même pas des soucis de tunes,
Des impôts et de tous les mêmes problèmes que toi.
Et toi mec,
C’est quoi ta vie ?
Parce que moi je passe mon temps à essayer de t’aider, à t’écouter, à te punir aussi quand tu pars en vrille.
Mais toi,
A part nous juger, essaies tu de comprendre ? De voir plus loin que le bout de ton nez ?
Quand t’es keuf tu l’es à vie !
Tu crèves de maladie, d’une balle, d’une corde ou d’un saut.
T’es flic à l’infini. »
Marquise Tronchenbiais avec l’association « Hors service »