Laisser brûler…?

Il y a quelques jours un de mes amis, policier depuis très longtemps, m’a interrogé sur un problème de conscience qui le taraudait : Deux jeunes imbéciles écument actuellement un certain type de commerce dans le quartier dans lequel il travail. Ils terrorisent les commerçants et sont armé d’un couteau et d’une arme de poing.

Connaissant mon expérience, mon ami me questionnait sur son dilemme : s’il les prenait en flag, devrait-il intervenir et prendre le risque de devoir appliquer des tirs mortels sur ces individus, ou ne pas intervenir et les regarder faire en annonçant à la radio leur direction de fuite.

À la vérité, je me suis trouvé très ennuyé pour lui répondre.

Je connais mon ami, et je sais que s’il est mis en joue par un individu armé, les chances de survie de ce dernier seront très limitées.

Je sais aussi que chaque policier qui ouvre le feu vit aujourd’hui un véritable enfer.

Il subit d’abord une garde à vue, qui est désormais systématiquement sollicitée par les procureurs pour des raisons obscures, puis une mise en examen par des magistrats qui ne comprennent rien aux situations que les policiers sont amenés à affronter, avec le risque d’être placé sous contrôle judiciaire et interdit d’exercer ses fonctions et de porter une arme.

En même temps, je suis citoyen de ce pays, je paye des impôts et compte sur la police pour régler ce type d’événement.

Je pense aussi à la terreur du commerçant qui se retrouve braqué et qui attend légitimement des forces de police qu’elles interviennent rapidement pour le sauver.

Voilà l’état terrible de notre société aujourd’hui.

Des personnel formés, dont la mission est d’intervenir pour assurer notre sécurité, se posent réellement la question de l’opportunité de cette intervention par rapport aux risques judiciaires qu’ils encourent dans l’hypothèse où ils seraient amenés à utiliser légitimement la force, même si ils le font de manière proportionné et mesuré.

Très franchement, j’ai longtemps hésité et j’ai conseillé à mon ami de ne pas intervenir.

Je le connais et je l’apprécie, je connais ses enfants, et je n’ai tout simplement pas envie qu’ils vivent ce que subissent mes clients.

Alors faut-il vraiment laisser brûler ce pays pour retrouver le bon sens ?

Personnellement je ne peux pas m’y résoudre et dans le cadre de mon activité de réserve opérationnelle j’accomplirai ma mission, quoiqu’il en coûte.

Mais je trouve légitime aujourd’hui d’hésiter. Et c’est insupportable.

Maître Laurent-Franck Lienard