Mounia M. n’était pas présente hier, lors de son procès au tribunal de Bobigny (Seine-Saint-Denis). Cette jeune femme de 31 ans, gérante de société et cadre au sein d’un service de ressources humaines, a été condamnée à un an de prison ferme pour escroquerie, exercice illégal de la profession d’avocat et usurpation d’identité.
Et c’est en creux que s’est dessiné le portrait de cette femme dotée d’un aplomb à en faire balbutier les juges et les vrais avocats. « En vingt ans, je n’ai jamais vu ça », assure l’une d’entre eux. L’ordre des avocats du barreau de Bobigny s’était porté partie civile.

En novembre, Mounia M. a endossé l’identité d’une ancienne amie pénaliste, Hafida El Ali, enfilé — « à l’envers » selon plusieurs témoins — une robe noire empruntée au vestiaire du tribunal de Bobigny. Elle s’est alors présentée comme l’avocate de Ouassini B., l’homme dont elle était de toute évidence la maîtresse, l’assistant pour son divorce. Assise à côté de l’ex-épouse en pleurs, elle a paraphé elle-même les documents, sous les yeux de la juge des affaires familiales. Egalement jugé hier pour complicité et lui aussi absent lors de l’audience, Ouassini B. a écopé de la même peine d’un an de prison.

Le jugement de divorce entaché de nullité

« Tout ça pour quoi? » s’interrogeait hier la substitute du procureur Hélène Astolfi, perplexe. Car l’escroquerie n’avait aucune utilité : Ouassini B. et son épouse, Fatna, parents d’une petite fille aujourd’hui âgée de 5 ans, s’apprêtaient à divorcer par consentement mutuel. « On s’était mis d’accord sur la garde et le droit de visite », soupirait hier Fatna, jolie jeune femme visiblement éprouvée par cette double tromperie. C’est à Mounia M. qu’elle en veut le plus : « C’est un vrai monstre. » Constance Debré, conseil de l’avocate Hafida El Ali, dont Mounia M. a usurpé l’identité, évoque « une perversité inquiétante ». Hafida El Ali s’était d’ailleurs éloignée de cette ancienne copine de fac, jugée trop « séductrice » et « manipulatrice ». C’est en recevant une copie du jugement de divorce que l’avocate a compris en décembre que quelqu’un avait usurpé son identité. Pas un seul instant elle n’a imaginé qu’il s’agissait de son ancienne amie.

Les mails et coups de fil échangés avec l’avocate de l’ex-épouse ont permis à la PJ de la Seine-Saint-Denis de remonter rapidement jusqu’à Mounia M. La juge aux affaires familiales, l’avocate de la partie adverse, l’ex- épouse l’identifient alors formellement. Qu’à cela ne tienne. Face aux enquêteurs, la jeune femme nie avoir été présente lors de l’audience. Tout juste reconnaît-elle avoir envoyé quelques mails, et rempli les documents du divorce pour « aider » son ami Ouassini B.

« Elle avait vraiment réponse à tout », s’étrangle Me Carole Yturbide, conseil de l’ancienne épouse, qui prédit « deux ans et demi de procédure » afin d’obtenir un nouveau jugement de divorce pour sa cliente, le premier étant désormais entaché de nullité. Les deux prévenus mesuraient-ils la portée de leurs actes ? Leur absence d’hier semble indiquer que non. S’ils se décidaient à faire appel, peut-être fourniraient-ils alors davantage d’explications.

SOURCE : LE PARISIEN